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Les enfants adultes ingrats : comprendre les raisons derrière leur attitude

Refuser la réciprocité, c’est parfois la règle silencieuse de certaines familles. Ici, les gestes et les mots semblent glisser sans jamais trouver d’écho. Malgré tous les efforts, malgré les mains tendues, l’équilibre reste hors d’atteinte.

Des études récentes révèlent que la sensation d’ingratitude ressentie envers les enfants adultes gagne du terrain. Dans le même temps, le fossé générationnel se creuse, chaque camp perdant ses repères dans une famille qui ne parle plus vraiment la même langue. Les façons de témoigner sa gratitude évoluent, les codes changent, et l’incompréhension s’installe.

Pourquoi l’ingratitude apparaît-elle chez les enfants adultes ?

Le sujet dérange, remet en cause des certitudes. L’ingratitude chez les enfants adultes va bien au-delà d’un simple manque de politesse ou d’un défaut d’éducation. Elle s’enracine dans un terreau complexe : blessures passées, histoire familiale fracturée, dynamiques émotionnelles malmenées. Les chercheurs mettent en avant le poids des relations familiales toxiques. Une enfance secouée par les manques, les conflits ou le sentiment d’être invisible peut laisser des traces : une distance émotionnelle s’installe, d’abord discrète, puis de plus en plus marquée jusqu’à l’indifférence, parfois la rupture.

Mais il y a aussi la soif d’émancipation. À l’âge adulte, on ressent le besoin de couper le cordon, de s’inventer loin du regard parental. Ce mouvement, profondément humain, est parfois interprété comme un rejet pur et simple des efforts, des sacrifices consentis par les parents. Plusieurs psychologues l’affirment : traverser une phase d’ingratitude fait partie du parcours psychologique de chacun, un passage obligé pour se forger une identité propre.

En pratique, cette ingratitude peut se manifester de mille manières : absence de réponse, reproches, silences prolongés. Parfois, la gratitude reste bloquée, n’arrive jamais, ou ne se dit qu’après des années. Les parents, eux, vivent ce silence comme une blessure, tandis que l’enfant adulte, empêtré dans ses propres difficultés, peine à exprimer de la reconnaissance. Le lien se fragilise, parfois irrémédiablement, et la distance s’installe de génération en génération.

Entre attentes parentales et quête d’indépendance : comprendre les sources du malaise

Au cœur du malaise qui s’installe entre parents et enfants adultes, il y a le sacrifice parental. Les parents donnent, investissent, se projettent dans l’avenir de leur enfant. Celui-ci grandit avec, consciemment ou non, le poids de ces attentes. Mais la gratitude attendue ne se manifeste pas toujours comme prévu. Devenu adulte, l’enfant veut s’affranchir de la dette, écrire sa propre histoire. Françoise Dolto parlait d’un « devoir d’ingratitude » : pour devenir lui-même, il doit parfois prendre ses distances, quitte à froisser.

C’est là que le malaise s’installe : quand les attentes parentales croisent la volonté d’indépendance de l’enfant. Viennent alors la déception, les reproches à peine murmurés, le dialogue qui se grippe. La société contemporaine, avec ses modèles de performance, la pression diffuse des réseaux sociaux, ne fait qu’amplifier ce décalage. La comparaison s’invite, les exigences montent, la relation s’étire.

Voici ce qui se joue, concrètement, dans ces situations :

  • Le parent, porté par sa générosité, espère un remerciement, une attention, qui tarde ou n’arrive jamais.
  • L’enfant adulte, absorbé par sa propre construction, peut vivre ces attentes comme un poids ou une entrave.
  • Peu à peu, la déception s’installe, et si la parole se coupe, le lien peut se rompre.

La relation prend alors la forme d’un dialogue de sourds, chacun enfermé dans ses projections ou ses regrets. André Comte-Sponville le rappelle : la gratitude ne se commande pas, elle surgit parfois à contretemps, quand chacun ose enfin parler sans crainte ni attente. La reconnaissance surgit quand l’échange se libère de toute obligation.

Enfant regardant son téléphone lors d un repas familial

Des pistes concrètes pour renouer le dialogue et apaiser les tensions familiales

Retrouver un lien apaisé quand l’ingratitude s’est installée, ça demande du temps et de la délicatesse. Le point de départ, c’est le dialogue. Parler sans jugement, écouter vraiment, nommer les attentes et les souffrances. John Gottman, psychologue, parle de bienveillance active : accueillir ce que l’autre ressent, même si ça dérange, sans chercher à corriger tout de suite.

Quand on privilégie une communication ouverte, les tensions enfouies remontent à la surface. Prendre le temps de poser des questions simples, de respecter les silences, de reconnaître les émotions, peut tout changer. Un parent qui ose dire « je me sens blessé » au lieu de lancer un reproche invite souvent à une réponse différente. Lorsqu’un parent partage ses propres failles, l’atmosphère change. L’enfant adulte ne se sent plus sommé de rembourser une dette impossible.

Plusieurs leviers s’offrent à ceux qui veulent sortir de l’impasse :

  • Mettre en place un carnet de gratitude familial : chacun y note, quand il le souhaite, un geste ou un souvenir positif, sans attendre de retour immédiat.
  • Se tourner vers un professionnel si le blocage s’éternise. La thérapie familiale offre un espace neutre pour dénouer les conflits, clarifier les malentendus, envisager une nouvelle dynamique.
  • Faire vivre la bienveillance au quotidien : relever les petits pas, valoriser les efforts, même minuscules.

La gratitude n’est pas innée, elle s’apprend, s’encourage, s’exerce. Quand chacun retrouve le goût de la parole sincère, la relation familiale reprend vie, laissant derrière elle les vieilles rancunes et les blessures tues.

Dans la lumière crue d’un silence familial, il suffit parfois d’un mot pour que la distance se dissolve. La question reste entière : qui, le premier, acceptera de briser le cycle ?